Rana Plaza : Un bilan éthique et les mutations de l’industrie en dix ans

Publié le : , par  Stéph-anaa

En avril 2025, alors que l’industrie du prêt-à-porter continue ses transformations, le souvenir de l’ effondrement du Rana Plaza – survenu le 24 avril 2013 au Bangladesh – demeure un rappel brutal des dérives du système de production de masse.

Le Rana Plaza, un bâtiment commercial abritant notamment cinq usines de confection, s’est effondré le 24 avril 2013, causant la mort de 1 134 travailleur-euses et blessant environ 2 500 personnes. Majoritairement composées de femmes issues de milieux précaires, ces victimes étaient engagées dans une industrie qui générait des milliards de dollars pour les marques internationales. Des enquêtes – menées à l’époque par le collectif Éthique/Étiquette, la Clean Clothes Campaign ou ActionAid – avaient mis en lumière non seulement des défaillances structurelles majeures et des violations flagrantes des droits humains, mais également une culture d’impunité qui régnait dans le secteur.

L’effondrement du Rana Plaza est devenu l’un des symboles les plus forts de l’exploitation dans l’industrie du prêt-à-porter. Il a suscité une mobilisation internationale qui a permis d’entamer, tant sur le plan réglementaire qu’éthique, la mise en œuvre d’initiatives telles que le Bangladesh Accord on Fire and Building Safety, qui a permis d’améliorer la sécurité dans les usines du secteur, avec des inspections régulières et des mesures correctives, ou encore l’Accord pour la santé et la sécurité des ouvrières ou la loi sur le devoir de vigilance (remis en cause depuis Janvier 2025) menés par des alliances d’associations internationales et de syndicats, qui ont forcé les entreprises à revoir leurs pratiques et à s’engager dans une démarche d’amélioration continue.

Ces avancées ont contribué, dans une certaine mesure, à réduire les risques d’effondrement de structures similaires et à relancer le débat sur l’éthique de la chaîne de production.

Des études menées par Éthique/Étiquette ont aidé à comprendre comment l’origine des produits et les conditions de production sont communiquées aux consommateur-trices. Elles montrent que, malgré des initiatives visant à augmenter la transparence, l’information sur les conditions de travail et de fabrication reste souvent insuffisante. Des recherches, comme celles publiées dans des revues spécialisées et relayées par des experts en éthique d’entreprise, ont démontré que les grandes marques restent fréquemment responsables d’un manque de traçabilité, même après les leçons douloureuses du Rana Plaza.

Ainsi, alors que de nombreuses marques mettent en avant des initiatives "éthiques" et "durables", l’information sur la chaîne complète d’approvisionnement reste souvent fragmentaire. Certaines entreprises, face à la pression des consommateur-trices et à la réglementation accrue, se contentent de campagnes publicitaires sans mettre en œuvre de réformes structurelles profondes (Greenwashing & blog de l’ISE).

Pourtant d’autres rapports récents d’ ActionAid France rappellent que l’exploitation des travailleur-euses et les violations des droits humains restent un problème majeur dans certaines régions du Bangladesh, mais aussi ailleurs.

Aussi, aujourd’hui, les partenariats entre entreprises, organisations non gouvernementales et syndicats se multiplient, dans l’optique d’une régulation plus juste et plus efficace. De plus, la pression des citoyen-nes, combinée à la montée en puissance des réseaux sociaux et à un contrôle réglementaire renforcé, incite les marques à apporter des changements : Certaines entreprises commencent à publier des rapports détaillés sur leurs progrès en matière d’éthique et de durabilité, même si leur véracité reste à scruter.

Ces évolutions montrent une prise de conscience progressive, mais la route est encore longue pour que l’industrie ne se contente plus de réponses esthétiques aux critiques, mais adopte des pratiques réellement responsables.

L’effondrement du Rana Plaza reste sans doute un des événements les plus marquants dans l’histoire récente de l’industrie du prêt-à-porter. Plus de dix ans après, malgré des avancées notables, les rapports d’éthique et les analyses d’ ActionAid France , du collectif Éthique/Étiquette et de bien d’autres ONG rappellent que les transformations ne sont pas encore suffisantes pour garantir des conditions de travail dignes à tous les maillons de la chaîne d’approvisionnement.

Aujourd’hui, l’industrie se trouve à un carrefour critique où elle doit combiner innovation technologique, transparence et responsabilité sociale pour éviter que des drames similaires ne se reproduisent. En ce mois d’avril 2025, alors que des événements commémoratifs et des débats publics se tiennent pour rappeler la tragédie du Rana Plaza, il est urgent de poursuivre la réflexion sur l’éthique actuelle et de mettre en œuvre des réformes structurelles. Le Rana Plaza demeure un appel constant à la justice et à l’humanisme dans un secteur qui, malgré des progrès, doit encore transformer radicalement ses pratiques pour bénéficier réellement à celles et ceux qui en sont les plus vulnérables.

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