Madagascar 1895, Guerre et « pacification »

Publié le : , par  Mougel

Le « conquérant » de Madagascar s’appelle Joseph Gallieni. Il n’est plus aujourd’hui, selon les générations, que l’ingénieux innovateur des taxis de la Marne ou le patronyme associé à la gare routière de Paris.

Cet homme aimait les voyages, il est vrai, et ses hagiographes -je ne parle pas d’ouvrages des années vingt ou trente, mais de biographies publiées bien après la décolonisation- ne manquent jamais de le rappeler. Ils aiment aussi raconter comment il déjouait les intrigues de cours des tyrans de la Grande Île, empoisonnant les uns et exilant les autres.

Mais ils oublient de rappeler, chose étrange, ce dont les archives, il est vrai ont gardé peu de traces : les massacres et les déportations, les villages incendiés, les populations terrorisées, les morts, ah oui… combien de morts ? Les récits des vainqueurs sont aussi imprécis que glaçants de cynisme. Plusieurs dizaines de milliers sans doute, cent mille peut-être, pour une population qui, alors, comptait trois millions d’habitants.

C’est cette histoire oubliée, plus encore, s’il est possible, que l’insurrection de 1947, qui sera l’objet de ce "Café Malgache", avec Olivier FAVIER.
historien de formation, traducteur d’italien, auteur et photographe, voir le site www.dormirajamais.org

Petit message d’Olivier Favier :
Bonsoir à tous,
Jeudi soir je ferai une conférence à Tours sur l’histoire de la colonisation française à Madagascar. Ce travail fait suite à l’entretien avec Jean-Luc Raharimanana sur l’insurrection de 1947 -je rappelle que les "portraits d’insurgés" de Pierrot Men sont visibles à Paris jusqu’à dimanche. Plus encore il s’inscrit dans une recherche sur les Lieux de l’oubli où l’histoire coloniale occupe une place majeure. Derrière ces guerres de décolonisation dont on parle peu ou pas -le parangon demeurant celle du Cameroun-, il y a celles de conquête ou de pacification, où la documentation est tout entière centrée sur la geste de l’envahisseur.

Aucun d’entre vous, j’imagine, n’aura entendu parler du massacre d’Ambiky. Ou peut-être si. Quelques lignes du Discours sur le colonialisme d’Aimé Césaire, qui cite le seul texte qui l’aura sorti d’un complet oubli. L’auteur de ce texte est l’écrivain et député officiellement radical-socialiste Paul Vigné d’Octon, dont on a interrogé -vous trouverez tout cela en note- l’anticolonialisme -un peu comme Lucien Febvre s’était posé la question de la possibilité de l’athéisme au temps de Rabelais. Les conclusions ne sont celles que l’on croit, et il faut donc se méfier doublement des anachronismes. Quoi qu’il en soit, Vigné d’Octon n’a eu de cesse de faire entendre une voix discordante et de dénoncer les atrocités commises au nom de la "mission civilisatrice de la France". On l’a dit mythomane à d’autres propos -et cela est sans doute vrai- mais les massacres de la colonne Voulet-Chanoine qu’il rapporte ont bel et bien existé, tout comme celui d’Ambiky qui vint jusqu’aux oreilles de Gallieni.

J’ai ajouté à l’extrait de la Gloire du sabre un autre, très factuel, tiré d’une Histoire militaire de Madagascar, publiée à l’occasion de l’exposition coloniale de 1931. Le contraste est édifiant. Merci à Jean Rouault de l’association Touraine-Madagascar de m’avoir donné accès à cet ouvrage.

Tous les ouvrages de Paul Vigné d’Octon sauf un ne sont plus disponibles, avis aux éditeurs.

L’article.

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