Effondrement du Rana Plaza : 7 ans après

Publié le : , par  Stéph-anaa

Le 24 avril 2013, le Rana Plaza , bâtiment de huit étages au Bangladesh, s’effondrait causant la mort de 1138 personnes et faisant plus de 2000 blessé-es. Malgré les consignes d’évacuation données la veille par l’inspection, le lendemain, les ouvrier-ères se verront obliger d’entrer dans le bâtiment sous peine d’avoir une retenue sur salaire ou même d’être licencié-es.

Abritant six usines textiles, les victimes, principalement des femmes, travaillaient pour des grandes marques telles que Benetton, Auchan, H&M, ou encore Zara et Mango (groupe Inditex).

Il s’agit du plus important accident dans l’industrie mondiale du textile et du plus gros accident industriel meurtrier au monde depuis l’explosion d’une usine de pesticides à Bhopal en Inde, en 1984, appelée " catastrophe de Bhopal ", le gaz toxique provoquant des milliers de morts et touchant quelques centaines de milliers de personnes.

Ainsi fin 2013, plus de 200 entreprises (dont H&M, Benetton et le groupe Inditex, mais également Adidas, Hugo Boss, Lidl, Carrefour, C&A, Aldi, New Look, Primark, Esprit, Abercrombie&Fitch, Tesco, Marks & Spencer, El Corte Inglés,...) ont signé l’Accord sur les incendies et la sécurité des bâtiments au Bangladesh (document en pièce-jointe) proposé par les deux syndicats internationaux UNI et IndustriALL et les associations Action Aid pour des Peuples Solidaires , le Collectif Éthique sur l’étiquette , Workers Rights Consortium et le réseau mondial Clean Clothes Campaign .

Renouvelé pour un an en 2019, cet accord exige des protocoles de sécurité à suivre, qui doivent être respectés par les entreprises signataires mais aussi par les fournisseurs-euses de ces entreprises :
* Article 21 de l’Accord « Chaque société signataire exigera que ses fournisseurs au Bangladesh participent pleinement à l’inspection, à la correction, à la santé et à la sécurité et, le cas échéant, aux activités de formation, comme le décrit l’accord. Si un fournisseur ne se conforme pas à ces exigences, le signataire appliquera sans délai un processus de notification et d’avertissement aboutissant à la résiliation de la relation commerciale si ces efforts ne réussissent pas. » Il impose plusieurs règles de sécurité contraignant les employeur-euses à la mise aux normes des systèmes électriques par exemple, ou encore à l’installation d’extincteurs, de portes coupe-feu et de sorties de secours.

En 2014, différentes associations et syndicats internationaux ont mis en place un fond d’indemnisation, «  le Rana Plaza Donors Trust Fund  » géré par l’ Organisation Internationale du Travail (OIT), cependant il a fallu deux années de mobilisation internationale avant d’obtenir les contributions de certaines entreprises, ne souhaitant pas reconnaître leur responsabilité dans ce drame. Trente millions de dollars ont finalement été versés aux trois mille personnes (ou familles des victimes) touchées.

Les difficultés rencontrées par les différentes associations et syndicats pour faire reconnaître la responsabilité des multinationales dans l’accident du Rana Plaza prouvent la nécessité de faire évoluer les lois internationales. Cela montre toute la complexité pour remonter aux entreprises mères, qui restent bien souvent impunies et qui se déchargent de toute implication sur leurs fournisseurs-euses ou sous traitant-es. C’est pourquoi en 2017, la loi sur le devoir de vigilance est promulguée en France. Elle permet d’impliquer les entreprises donneuses d’ordre et les sociétés mères, et d’avoir la possibilité de les incriminer si elles portent atteintes aux droits humains et environnementaux.

Profitant jusqu’ici de nombreux vides juridiques, voir même de zones de non droit dues à des défaillances constitutionnelles, la loi sur le devoir de vigilance devrait permettre d’empêcher législativement les abus des multinationales. Cependant, un rapport de CCFD – Terre Solidaire , d’ Action Aid France pour des Peuples Solidaires, Collectif Ethique sur l’Etiquette, des Amis de la Terre France , d’ Amnesty et Sherpa , publié en février 2019, révèle que deux ans après, les objectifs de cette loi ne sont que partiellement respectés. Les entreprises ne sont pas égales dans l’application de cette législation, certaines n’ayant toujours pas adopté les règles environnementales, humaines et sociales fixées.
Rapport d’ Action Aid pour des Peuples Solidaires et des Amis de la Terre France  : « Fin de cavale pour les multinationales ? Droits humains, environnement : d’une loi pionnière en France. à un traité à l’ONU, Octobre 2017 »

La campagne «  Des droits pour les peuples, des règles pour les multinationales  » lancée par plus de 150 organisations internationale, sollicite à l’UE et ses états membres «  la révocation des clauses d’arbitrage entre investisseurs et Etats dans les accords de commerce et d’investissement en vigueur, de ne plus conclure d’accords de ce type à l’avenir, et de refuser que de futurs traités insèrent des clauses d’arbitrage similaires  », « l’adoption d’un traité contraignant relatif aux entreprises multinationales et aux droits humains, mettant fin à leur impunité » et « d’inscrire dans leurs législations des obligations contraignant les entreprises transnationales à respecter les droits humains et l’environnement dans leurs activités et opérations dans le monde entier  ». S’attaquant donc aux plus de 3400 traités commerciaux ( TAFTA,CETA,...), cette campagne vise à obtenir « un traité onusien sur les multinationales et les droits humains, l’adoption d’une directive européenne sur le devoir de vigilance, et à s’assurer que la loi française sur le devoir de vigilance soit appliquée de manière effective. »

Alors qu’aujourd’hui au Bangladesh, le secteur textile rapporte entre vingt et trente milliards d’euros à l’économie du pays chaque année, les ouvrier-ères touchent un salaire de misère (environ 83 euros par mois). Les syndicats réclament pourtant encore une rémunération minimum de 160 euros par mois (podcast de trois minutes).
En 2019, un peu plus de la moitié des survivant-es du Rana Plaza étaient encore au chômage, et depuis, il y a déjà eu environ cinq cent nouveaux/elles blessé-es et des dizaines de victimes dans l’industrie textile bangladaise (article d’ Action Aid France pour des Peuples Solidaires ).

Pour aller plus loin :
Crée en 1989, la «  Clean Clothes Campaign  » (CCC) est un réseau mondial qui se préoccupe des conditions de travail dans le secteur textile. Beaucoup de syndicats et associations font campagne avec la CCC afin de garantir des droits et de meilleures conditions aux travailleurs-euses. A travers différents outils de mobilisation, comme les plaidoyers ou les campagnes de lobbying, la CCC permet de déterminer les divers problèmes locaux dans l’industrie textile (droits bafoués, violences faites aux femmes, insécurité,...) et de les transformer en mobilisation internationale.

Proposé par le CID-MAHT.

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